BRÈVE
L'UE lutte contre la propagande terroriste en ligne
Elise Delhaise
Le Règlement (UE) 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 : l’Union européenne s’engage dans la lutte contre la propagande terroriste en ligne
Regulation (EU) 2021/784 of European Parliament and the Council of 29 April 2021 : about the European Union fight against the dissemination of terrorist content online
Mots-clés
Terrorisme - Contenus terroristes en ligne - Droit de l'Union européenne - Retrait des contenus
Terrorism – Terrorist content online – European Union Law - Content removal
Résumé
Le Parlement européen et le Conseil ont adopté le 29 avril 2021 un Règlement¹ visant à lutter contre la « propagande » terroriste² en ligne. La présente brève a pour objectif de délimiter le champ d’application de ce Règlement ainsi que son objet.
The European Parliament and the Council adopted a Regulation to fight against the dissemination of terrorist content online on April 29, 2021. The Regulation's scope and object will be briefly exposed in this text.
Texte
Le Règlement (UE) 2021/784 vise à lutter contre la diffusion de contenus à caractère terroriste, à savoir « la mise à disposition, à un nombre potentiellement illimité de personnes³, de matériel qui incite à ou sollicite une personne pour commettre une infraction terroriste visée à l’article 3, §1er, points a) à i) de la Directive (UE) 2017/541, qui sollicite une (plusieurs) personne(s) pour participer aux activités d’un groupe terroriste, fournit des instructions concernant la fabrication ou l’utilisation d’explosifs, d’armes à feu ou d’autres armes, ou de substances nocives ou dangereuses, ou concernant d’autres méthodes ou techniques spécifiques afin de commettre ou contribuer à commettre une infraction terroriste ou qui constitue une menace quant à la commission d’une infraction terroriste⁴ »..
L’objet de ce Règlement est d’établir des règles uniformes à deux niveaux :
- Entre les Etats membres concernant les mesures à adopter par ceux-ci pour lutter contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne ;
- A destination des fournisseurs d’hébergement des contenus concernant leurs devoirs de vigilance.
Tout d’abord, les Etats membres sont tenus de prendre des mesures pour lutter contre la diffusion de tels contenus. La mesure principale consiste en une injonction de retrait ou de blocage de l’accès à ces contenus, adressée par l’autorité compétente désignée par chaque Etat membre aux fournisseurs d’hébergement des contenus⁵. Ces derniers sont alors tenus de se conformer à l’injonction dès que possible et, en tout état de cause, dans un délai d’une heure à compter de la réception de l’injonction⁶.
Ensuite, les fournisseurs d’hébergement doivent lutter à leur niveau contre la diffusion de tels contenus en prenant notamment des mesures spécifiques pour protéger ses services contre des diffusions de ce type⁷, en conservant les données retirées ou bloquées⁸ et en mettant à disposition du public un rapport de transparence concernant les mesures prises⁹ .
Précisons que le Règlement n’a pas vocation à poursuivre pénalement les fournisseurs de ces contenus à caractère terroriste. En effet, la fourniture de tels contenus peut constituer plusieurs des infractions terroristes déjà incriminées par la Directive (UE) 2017/541. En effet, il s’agit d’infractions de provocation publique à commettre une infraction terroriste, de recrutement pour le terrorisme ou de dispense d’un entrainement au terrorisme¹⁰.
Il sera intéressant de suivre la réaction de la Belgique face à ce Règlement concernant le blocage de sites Internet. Pour rappel, celui-ci est « obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État membre »¹¹. Or, le droit de la procédure pénale belge ne connait pas la figure du blocage de sites Internet en tant que telle. Seul l’article 39bis du Code d’instruction criminelle permet au Procureur du Roi ou au juge d’instruction d’ordonner la saisie de données informatiques¹². Cette saisie couvre à la fois la copie, le blocage et le retrait de données¹³.
La dernière proposition de loi en matière de lutte contre le terrorisme vise à réprimer l’apologie du terrorisme en public et sur Internet¹⁴. Il est regrettable que le législateur n’ait pas saisi l’occasion d’insérer une nouvelle méthode d’enquête permettant de bloquer un site Internet.
Pour une analyse plus détaillée de ce Règlement, une contribution sera proposée par la R.D.T.I. dans les prochains mois.
1. Règlement (UE) 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne, J.O.U.E., 17 mai 2021, L 172/79.
2. Règlement (UE) 2021/784 précité, considérant 11).
3. Règlement (UE) 2021/784 précité, article 2, 3).
4. Règlement (UE) 2021/784 précité, article 2, 7).
5. Règlement (UE) 2021/784 précité, article 3, 1).
6. Règlement (UE) 2021/784 précité, article 3, 3).
7. Règlement (UE) 2021/784 précité, article 5, 2).
8. Règlement (UE) 2021/784 précité, article 6.
9. Règlement (UE) 2021/784 précité, article 7.
10. Directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme et remplaçant la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil et modifiant la décision 2005/671/JAI du Conseil, J.O.U.E., 31 mars 2017, L 88/6, articles 5, 6 et 7.
11. T.F.U.E., article 288.
12. C. FORGET, « Les nouvelles méthodes d’enquête dans un contexte informatique : vers un encadrement (plus) strict ? », R.D.T.I., 2017, p. 39.
13. P. MONVILLE, M. GIACOMETTI et L. GRISARD, « La collecte de preuves numériques en droit belge après l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 5 décembre 2018 », https://orbi.uliege.be.
14. Proposition de loi du 11 mars 2021 modifiant le Code pénal tendant à réprimer l’apologie du terrorisme en public et sur Internet, Doc. parl., Exposé des motifs, Ch. repr., sess. ord. 2020-2021, n° 55/1847-001.