Négociation diplomatique internationale

Rencontre avec Raoul Delcorde

 

« Maintenant, on se parle » : c’est avec cette phrase que les diplomates entrent en scène parce que tant que les hommes se parlent, ils ne se font pas la guerre.

La négociation est au cœur même de la diplomatie car elle vise à régler pacifiquement un conflit d’intérêts. Elle établit un lien de confiance

Dans son ouvrage "Manuel de la négociation diplomatique internationale", Raoul Delcorde, ambassadeur honoraire de Belgique, docteur en science politique, professeur invité UCLouvain et membre de l’Académie royale de Belgique, étudie les processus de négociation diplomatique internationale et leur contexte.

Rencontre avec l'auteur.

En quoi cet ouvrage pourrait aider les diplomates dans leur carrière ?

De tout temps, la diplomatie a été assimilée à l’art de la négociation. Dans son Testament politique, Richelieu explique que la pratique diplomatique passe par la négociation permanente. Et, après tout, c’est cela la diplomatie : négocier, convaincre, trouver des compromis et éviter qu’un différend bascule dans une hostilité ouverte. Un manuel sur la négociation diplomatique est donc le vade mecum du diplomate-négociateur. Un tel ouvrage permet de se familiariser avec les contours et les techniques de la négociation diplomatique avant d’entrer dans l’arène et de tester en quelque sorte les conseils qui y sont prodigués. Sans oublier que la négociation est un art et qu’il n’existe aucune recette miracle de succès d’une négociation.

Quelle a été votre plus grande surprise en matière de négociation ?

La longueur de certaines négociations m’a surpris. Comme je le dis dans mon livre, la négociation sur le brevet unitaire européen (essentiel dans le domaine de la protection intellectuelle) a duré plusieurs décennies, a fait l’objet d’un règlement européen en 2013 et n’entrera finalement en vigueur qu’en…2023 ! 

Lorsque, jeune diplomate, je participais au sommet de l’OSCE à Budapest en 1994, quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que l’ambassadeur présidant les débats avait décrété que les horloges étaient…arrêtées. Nous étions supposés finir à telle date et l’on a fictivement prétendu que l’on respectait cette date alors que les négociations se poursuivirent le lendemain. Quasi surréaliste !

Quels éléments influencent majoritairement une négociation ? Avez-vous un exemple concret ?

L’ambassadeur français Pierre Morel a écrit que « le premier document, c’est l’autre qu’il faut déchiffrer et comprendre, en séance et hors séance ». La relation interpersonnelle influence durablement la négociation. Le succès d’une négociation diplomatique tient, en bonne part, à la confiance (tout le contraire des coups fourrés). Ainsi, si l’accord sur le dossier nucléaire iranien (le JCPOA) a pu être signé en 2015, c’est notamment parce que la Haute Représentante Mogherini et le ministre iranien des Affaires étrangères Zarif avaient réussi à dépasser les antagonismes et la méfiance qui existaient et à trouver un point médian fondé sur une confiance réciproque.

Nous parlons beaucoup des us et coutumes culturels ? Est-ce de l’ordre de la légende ? Le comportement doit-il réellement être adapté en fonction de la nationalité de l’interlocuteur ?

La négociation ne peut pas être séparée du contexte culturel. Au Moyen-Orient, par exemple, il faut tout faire pour ne pas perdre la face. Lors de la guerre Iran-Irak (1980-88), Iraniens et Irakiens ont refusé de mener des négociations directes car cela pouvait être interprété comme un aveu de faiblesse. Les deux délégations se tenaient dans des salles de réunion séparées, à Genève, et c’est Javier de Cuellar, le Secrétaire général de l’ONU, qui faisait la navette entre les deux délégations, de sorte qu’elles pouvaient déclarer qu’elles avaient négocié avec le Secrétaire général de l’ONU et non bilatéralement !

Dans quels pays avez-vous travaillé ? Votre coup de cœur ?

Islamabad (Pakistan), New York (ONU), Vienne (OSCE), Washington (USA), Stockholm (Suède), Varsovie (Pologne) et Ottawa (Canada). Avec des retours à Bruxelles. J’ai beaucoup aimé les trois postes nord-américains : à l’ONU à New York car la Belgique siégeait au Conseil de sécurité en 1991-92 et c’est le cockpit du monde ; à Washington, car les Etats-Unis sont la superpuissance par excellence et c’est un fantastique poste d’observation de la diplomatie internationale ; et enfin Ottawa car les liens entre la Belgique et le Canada sont profonds et là comme chez nous deux cultures et deux langues coexistent.

 

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