

600 ans de l’Université catholique de Louvain (UCLouvain/ KU Leuven) & 50 ans de la Faculté de droit et de criminologie de l’UCLouvain
Entretien avec Edoardo Traversa
Cette année, l’Université catholique de Louvain (UCLouvain/ KU Leuven) fête ses 600 ans et la Faculté de droit et de criminologie de l’UCLouvain fête également ses 50 ans.
À cette occasion, nous avons rencontré Edoardo Traversa, Professeur à l’UCLouvain et Doyen de la Faculté de droit et de criminologie de l’UCLouvain.
Cette année, l’Université catholique de Louvain (UCLouvain/ KU Leuven) fête ses 600 ans. Quel regard portez-vous sur cet anniversaire ?
Six siècles, c’est trois fois l’âge de la Belgique, près de dix fois celui de l’Union européenne. En 1425, nous étions encore bourguignons, l’Europe comptait à peine quelques dizaines de millions d’habitants, et les guerres et les épidémies décimaient les populations (la peste noire venait de tuer 50% des Européens). Dans cette perspective, que l’université de Louvain soit encore là aujourd’hui après 600 ans est remarquable. Et le droit, lui aussi, a profondément évolué. À l’époque, la coutume et le pouvoir des seigneurs primaient : l’État de droit, l’égalité ou les libertés étaient encore inimaginables.
L’université a été fondée à Louvain, pas à Louvain-la-Neuve. Célébrer ici, est-ce toujours pertinent ?
Absolument. L’université, ce ne sont pas des murs, mais des idées, des personnes et une mission. Les savoirs circulent, les échanges transcendent les lieux et les époques. Nous restons ancrés localement tout en visant l’universalité. D’ailleurs, nous entretenons d’excellentes relations avec la KU Leuven. Cette commémoration se vit ensemble : une journée d’échanges s’est tenue à Louvain-la-Neuve en mai 2025, et une réciproque aura lieu à Leuven en 2026, accompagnée d’un colloque scientifique sur nos relations avec le Congo.
Comment l'enseignement a-t-il évolué au fil des siècles dans votre faculté ?
Si la forme traditionnelle – un professeur face à un auditoire – perdure, le contexte a radicalement changé. Aujourd’hui, la majorité des étudiant·es sont des femmes, comme d’ailleurs une part croissante du corps professoral. L’enseignement est devenu plurilingue, internationalisé et beaucoup plus interactif : cliniques juridiques, concours de plaidoirie, classes inversées, outils numériques... Tout cela a transformé la manière d’apprendre et d’enseigner, bien loin de ce qu’était l’université des origines. Mais la passion des origines, celle de transmettre et de confronter les savoirs demeure.
Cette année, la Faculté de droit et de criminologie de l’UCLouvain fête également ses 50 ans. Quels sont les grands défis auxquels la faculté doit faire face pour l’avenir ?
Trois me semblent majeurs. La numérisation : quel est le sens de mémoriser des règles juridiques quand une IA peut les restituer en quelques secondes ? Le changement climatique : nos systèmes juridiques doivent évoluer, intégrer la protection de la planète, des générations futures et limiter une exploitation sans frein. La montée des régimes autoritaires remet en question les principes juridiques fondamentaux. Il est de notre devoir de rappeler leur valeur, forgée par l’histoire, et combien elle reste essentielle pour préserver la paix.
Que souhaitez-vous pour la Faculté de droit et de criminologie ?
Qu’elle reste un lieu de liberté, d’audace et de sécurité intellectuelle. Un espace où chacun – enseignant, chercheur, étudiant ou visiteur – se sente respecté et libre d’explorer, d’inventer, de remettre en question. L’université doit rester un laboratoire d’idées au service du bien commun, capable de se réinventer sans jamais trahir sa mission : comprendre le monde pour mieux l’habiter, et si nécessaire, l’améliorer. Le droit reste un outil au service de notre humanité et de notre environnement.