Les robots à l'assaut de la justice - La transition vers une justice robotisée est-elle souhaitable ?

Adrien van den Branden

Introduction - Une justice en décalage 

La justice se heurte à un terrible constat : elle ne répond pas aux attentes des citoyens du XXIe siècle.

Dans notre vie quotidienne, nous nous sommes habitués à bénéficier d'un service en ligne, de bonne qualité, rapide et abordable financièrement. 
La justice semble tout le contraire. Elle évolue dans un monde de papier, elle est lente, elle est coûteuse et la qualité des jugements n'est pas toujours au rendez-vous. 
Ce décalage, qui grandit jour après jour, pourrait bien signifier la fin d'un service public de la justice, les citoyens préférant recourir à des modes privés de résolution des litiges ou ne pas demander justice du tout, faute de moyens ou de patience.
Pour réduire ce décalage, nous devons rendre la justice plus efficiente.

Comment rendre la justice plus efficiente ? 

Il faut tout d'abord répondre à la question suivante : qu’est-ce qu’une bonne décision de justice ?
Cette question peu discutée en dehors des cercles académiques doit être abordée pour évaluer l’opportunité de confier la résolution des litiges au juge robot.
Au XXIe siècle, la bonne décision de justice est une décision efficiente, c'est à dire une décision qui offre au justiciable le meilleur rapport entre trois facteurs : la qualité, le coût et la vitesse.

Quels sont les facteurs d'une "bonne" décision de justice ? 

Une décision de justice est bonne si elle est de qualité acceptable, rendue dans un délai raisonnable et à prix abordable.
Mesurer la qualité d’une décision de justice est un exercice délicat mais nécessaire. La qualité est par exemple évaluable par rapport à des critères comme la transparence, l'impartialité, l'indépendance, l'écoute, la conscience, la catharsis, la fiabilité, etc. 
Elle est également évaluable sur deux critères fondamentaux : la capacité à résoudre un litige qui fait appel à l'application plus ou moins stricte de la règle de droit (ce qu'on appelle la "justice réparatrice") et la capacité à trancher un conflit de valeurs, comme par exemple celui entre la liberté d'expression et le droit à la dignité humaine (ce qu'on appelle la "justice distributive"). 
Enfin, outre le facteur qualité, la décision de justice doit également être évaluée sur les facteurs coût (combien le procès coûte-t-il au justiciable et au contribuable ?) et vitesse (dans combien de temps le justiciable obtiendra-t-il une décision définitive ?).

Un juge robot pourrait-il rendre certaines décisions de justice ? 

Si nous comparons les performances respectives de l'homme et de la machine sur l’ensemble de ces critères, le robot rend des décisions plus efficientes que le juge humain dans les litiges dont la résolution dépend de l’application plus ou moins stricte de la règle de droit (c'est-à-dire ceux qui ressortent davantage de la justice réparatrice). Ces litiges comprennent ceux qui aboutissent à la détermination d’une amende, d’une indemnité ou d’un délai : amendes routières, indemnités en droit du travail, pensions alimentaires, termes et délai de paiement,...

Le juge humain rend des décisions plus efficientes que le juge robot dans les litiges qui règlent un conflit de valeur (c'est-à-dire ceux qui ressortent davantage de la justice distributive), par exemple les procès en diffamation (qui l’emporte entre la liberté d’expression et le droit à la dignité humaine?).


Quelles décisions de justice pourraient être automatisées ? 


Projeter les litiges qui font principalement appel à la justice distributive et les litiges qui font principalement à la justice réparatrice nous permet de faire ressortir une ligne de démarcation entre les litiges à automatiser (et que nous pouvons confier au juge robot) et les litiges à ne pas automatiser (qu'il vaut mieux laisser aux mains du juge humain).

Automatiser les litiges dont la résolution dépend principalement de l'application de la règle de droit offre la perspective d'une justice plus efficiente.
La justice de demain sera un cocktail parfait entre juges robots chargés de résorber les litiges qui font principalement appel à la justice réparatrice et juges humains concentrés sur la résolution des litiges qui font principalement appel à la justice distributive.


Quelles sont les étapes vers une justice robotisée ? 


La justice robotisée ne s’obtiendra toutefois pas en un claquement de doigts.
Le chemin de la robotisation de la justice comprend trois étapes qui doivent être franchies dans l’ordre :

  • La mise à disposition universelle des textes de loi et des jugements.
  • La dématérialisation de la procédure judiciaire et son recentrage sur la personne du justiciable.
  • L’arrivée à maturité d’une intelligence artificielle suffisamment stable pour être appliquée à la justice (toutefois, l'IA telle qu'elle existe aujourd'hui peut déjà s'atteler à la résolution de litiges simples comme ceux que l'on retrouve en matière de roulage)

Quels sont les risques d'une robotisation de la justice ? 


La robotisation de la justice n’est pas dénuée de risques pour autant. Sa mise en œuvre peut porter atteinte au droit à un procès équitable, signifier une perte d’indépendance du juge ou occasionner un désenchantement généralisé chez les acteurs de la justice. Ces risques sont maîtrisables si des mesures appropriées sont prises pour limiter autant que faire se peut la survenance de conséquences néfastes.

Le long de cette évolution, les parties prenantes de la justice robotisée devront se positionner sur des enjeux importants. Qui va décider des contours de la justice robotisée ? Qui va programmer le juge robot ? Qui va le développer ? Qui va le contrôler ? Qui est responsable en cas d’erreurs du juge robot ? Le justiciable comme-t-il une faute s’il démarre un procès alors qu’il sait qu’il n’a que 49 % de chances de l’emporter ?

 


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